WASHINGTON (AFP) - L'offre de la compagnie chinoise CNOOC de racheter
le groupe d'exploration pétrolière américain Unocal (NYSE: UCL - actualité) enfonce depuis
une semaine une épine dans le pied des Américains, partagés entre la
défense d'un marché ouvert et celle de leurs intérêts
énergétiques.
Depuis la contre-offre faite le 23 juin par la China
National Offshore Oil Corporation, d'un montant de 18,5 milliards de
dollars en numéraire, soit 1,5 milliard de plus que ChevronTexaco, les
deux plus gros consommateurs d'or noir au monde se livrent une bataille
acharnée.
Elus en tête, les Américains s'insurgent contre l'intrusion des
Chinois dans leur secteur hautement sensible de la prospection et de la
production pétrolière.
Une résolution votée jeudi soir à une majorité écrasante (368 voix
contre 15) de la Chambre des représentants affirme que la transaction, si
elle était confirmée, menacerait sérieusement la sécurité nationale. Une
enquête américaine approfondie sur ce risque a été réclamée.
Pourtant, en parallèle, les sénateurs, soucieux d'éviter un conflit
douloureux avec l'un des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, ont reporté à
octobre un ultimatum initialement fixé à fin juillet pour taxer à 27,5%
toutes les importations "made in China" si Pékin ne réévaluait pas sa
monnaie d'ici-là.
Selon Washington, le lien étroit entre le yuan et le billet vert
(8,28 yuans pour 1 dollar) depuis la crise financière asiatique de 1997,
maintient la devise chinoise à un niveau artificiellement bas et offre un
avantage compétitif indu aux produits chinois.
Le secrétaire au Trésor John Snow et le patron de la Fed Alan
Greenspan venaient d'assurer que la Chine allait bouger
prochainement sur ses taux de changes. Mais Pékin a démenti avoir un
calendrier sur le sujet.
Enfin, loin de toutes ces agitations politiques, des représentants
du groupe CNOOC ont poursuivi toute la semaine une formidable opération de
lobbying aux Etats-Unis.
Quatre jours à peine après sa contre-offre, le troisième groupe
pétrolier chinois, détenu à 70% par l'Etat, a dépêché mardi des
représentants à New York pour discuter avec Unocal. Vendredi, ces
pourparlers se poursuivaient, selon une porte-parole du groupe aux Etats-Unis.
Pendant ce temps, Unocal a multiplié les communiqués affirmant que
l'accord des administrateurs à l'offre de Chevron (NYSE: CVX - actualité) en avril
"restait valable". Les actionnaires se prononceront le 10 août sur cette
offre qui a déjà obtenu le feu vert des autorités américaines de
régulation.
Chevron, de son côté, a réaffirmé qu'il ne surenchérirait pas. Son
vice-président Peter Robertson a douté de la conformité de l'offre rivale
avec les règles commerciales. Selon lui, CNOOC tente de s'approprier "une
ressource importante" américaine avec de "l'argent offert" par Pékin.
Bloquer cette transaction "serait grave", a estimé Daniel Griswold,
analyste du Cato Institute à Washington, car "ce serait plutôt hypocrite
de la part des Etats-Unis
de demander à la Chine
d'ouvrir ses marchés alors que nous lui claquerions la porte au nez pour
cet investissement tout à fait légitime".
A l'inverse, la sénatrice démocrate Nancy Pelosi a fustigé la
démarche chinoise qui "cherche à trouver une réponse à ses besoins
énergétiques en obtenant le contrôle de ressources dans le monde entier".
"Cette offre chinoise est la preuve évidente de la vulnérabilité
stratégique du secteur énergétique américain", a-t-elle affirmé.
De plus, a averti Mme Pelosi, l'acquisition d'Unocal offrirait aux
Chinois des technologies particulières de forage susceptibles de les aider
à procéder à l'avenir à des tests nucléaires indétectables.
Face à toutes ces craintes, CNOOC a choisi la carte de la
transparence et a pris les devants en allant volontairement déposer un
dossier auprès de la commission chargée d'examiner les investissements
étrangers aux Etats-Unis
au regard des risques pour la sécurité nationale.